Les "objets" du patrimoine rural gagnent à être décrits et interprétés en faisant appel aux termes du patois local cévenol, mais aussi par un vocabulaire plus technique*.
Les objets du patrimoine matériel
- le tancat :: ouvrage défensif en pierres, petit muret, disposé à flanc de colline, en travers de la pente, là où le risque est important d’affouillement et d’endommagement par l'eau des terrains cultivés (plantations de mûriers et châtaigneraies). Pour écrêter les torrents qui peuvent se former en cas de forte pluie, ce sont de véritables murailles en pierre sèche qui ont été érigées dans leur lit, à la seule force de bras et de leviers.
- la digue :: ouvrage massif en pierre, construit latéralement sur la berge d'une rivière pour dévier et freiner le flux torrentiel d'une crue. Il permet de limiter l'inondation et surtout d'empêcher l'érosion, parfois brutale, des terres de culture ou de pâture situées en aval.
- la chaussée :: seuil, barrage bâti en pierre haut de plusieurs mètres dans le lit d'une rivière; remontant le niveau d'eau et incurvé à l'une ou l'autre des extrémités, il permet la prise d'eau d'un canal pour remplir le réservoir d'un moulin, et assurer l'irrigation des prés et des cultures.
- le béal :: canal alimenté par une chaussée, aménagé sur des centaines de mètres de rive d'un cours d'eau; il débouche en aval sur un réseau de distribution gravitaire muni de vannes. Chaussée et beals étaient utilisés et entretenus, parfois collectivement au sein d'un syndicat, par des propriétaires ayant-droits.
- l'aqueduc :: ouvrage hydraulique assurant la continuïté d'un béal au dessus d'un cours d'eau, d'un chemin ou d'une route. Il permet parfois aussi le passage piétonner sur ses côtés ou au dessus lorsqu'il est couvert.
- le moulin (à eau) :: moulin à grain et/ou à huile, à châtaigne omniprésent en Cévennes, utilisant une roue à pales, horizontale, alimentée par l'eau d'un réservoir (gourgue).
- la mine d'eau :: une excavation dans le rocher, à la recherche des suintements et écoulements naturels de l'eau; une galerie étroite creusée à l'horizontale dans une colline qui permet d'alimenter un réservoir pour l'irrigation et l'adduction des habitations en eau potable
- la gourgue :: une retenue d'eau construite (bassin, réservoir). Alimentée par une source pour l'adduction de l'eau domestique, il sera protégé, couvert d'une voûte en pierre; alimenté par une prise et un béal pour l'arrosage des cultures et/ou l'alimentation d'un moulin, il restera à l'air libre.
- la clède :: bâti agricole caractéristique de la production de châtaignes en Cévennes; souvent à l'écart des habitations, il comprend à l'étage une pièce pour le séchage des fruits à la chaleur d'un feu de bois qui couve avant le décorticage (manuel, ou mécanique par le pissaïre, moulin à décortiquer).
- le mazet :: petite construction sur une parcelle de culture servant de remise et d'atelier; et aussi petit bâti dans les vignes (Brunet)
- l'aire à battre :: emplacement réservé près des habitations (plus rarement près des champs) pour battre les épis de céréales (seigle, orge), soit avec des fléaux, soit en faisant piétiner une mûle, ou encore en écrasant les gerbes avec un rouleau. L'espace plat est entièrement dallé de lauzes jointives pour faciliter le ramassage des grains sans être souillés par la terre.
- le bancel :: terrasse, parcelle de terre cultivable horizontale, aménagée dans la pente d'un coteau; elle s'accompagne toujours en bordure aval d'un mur de soutènement en pierre sèche, et d'un système d'écoulement latéral des eaux limitant l'érosion
- les escaliers :: ils sont bâtis dans les parcelles cultivées pour rendre plus court et plus facile l'accès aux bancels sans devoir les contourner. Le plus courant est l'escalier intégré, construit dans le mur, pris dans son épaisseur ; moins fréquent, l'escalier dit “volant”, déporté du mur, avec de grandes pierres plates en saillie ; plus rare encore, l'escalier traversant, face à la pente
- la calade :: chemin piétonnier ou muletier, éventuellement carrossable, conduisant d'un hameau à l'autre, empierré "en délit" (sur champ) pour être stabilisé et protégé du ravinement.
- le ponceau :: petit pont voûté en pierre à une seule arche (de type romain), permettant de passer au dessus d'un obstacle (fossé, ruisseau, chemin, route). Il supporte parfois une canalisation d'eau (aqueduc).
- le pont moutonnier :: pont bâti en pierre suffisamment large pour sécuriser le passage de grands troupeaux transhumants (plusieurs centaines de bêtes) allant à l'estive en été; plus généralement un pont régulièrement fréquenté par les animaux d'élevage.
- la jasse :: bergerie isolée située sur les versants ou les crêtes, utilisée quelques semaines à l'automne et au printemps, lorsque le troupeau de chèvres ou de moutons doit pâturer loin des cultures et des zones habitées.
Outillages à main
- asagadoira: pelle à bord arrondis pour arroser les cultures
- coupadou : support fixe à glissières d'un canal dans lequel coulisse la vanne
- esclafidor, esclafidou (et serrazine) : vanne de mise en eau d’un canal; porte de sortie vers un exutoire; vanne d’entrée d’eau du moulin
- espicatière : trous creusés dans le rocher des rives du cours d’eau pour l’ancrage des piquets soutenant les poutres d’une chaussée
- force : outil de tonte qui remonte à l’âge du fer et qui est supplanté en Cévennes, dès le XVIII°, par les ciseaux. Mais au-delà des lignes de crêtes, les forces restent (Verdier, p 41).
- martelièira, martelière : ouverture aménagée sur un canal avec sa porte; trappe, porte coulisse en pierre, fer ou bois pour fermer et ouvrir un canal; épanchoir (coursier d’amont), canalisant l’eau du réservoir vers le moulin
- picadou : gros billot (souc, pique) utilisé pour battre à deux un sac rempli de châtaignes séchées et les décortiquer
- runladoira : rouleau servant à dépiquer les céréales sur l’aire de battage, à traction humaine ou animale
- setous, setons : liteaux de bois rapprochés formant plancher à claire-voie d’une clède laissant passer chaleur et fumée afin de sécher les châtaignes
- ventadou, vantaïre : tarare, tambour à manivelle comportant des pales planes utilisé pour ventiler les châtaignes séches, les pois chiches, etc.
- acanals : conduites de bois de châtaignier (boscas, rejets) dans lesquelles l'eau de source était acheminée, circulant à l'air libre
- aigarels : petites rigoles d’irrigation des prés creusées au moyen de pioches spécifiques (taiha-prats)
- aïssou, aissada : houe à lame triangulaire pour retourner la terre, l'égaliser, briser les mottes, tracer des raies et former des buttes
- banastas : paniers de bât en éclisses de châtaignier
- barrilhons : un réseau de cordes réunies par deux barres de bois pour porter au dos le fourrage récolté
- paihassons
- barrutlaire ou rodèl : rouleau de pierre attelé à un mulet ou à un cheval utilisé dans les basses vallées pour battre le grain sur l’aire
- bigot : “outil à deux branches pointues dont on se sert avec beaucoup d’avantages partout où il y a des racines à protéger” (Fraissinet 1830, le guide du magnanier)
- cabussau : rembourrage de paille ou de feuilles sèches dans un sac de jute ou de chanvre pour protéger les épaules et la nuque
- cargador : fourche de châtaignier maintenue horizontale par quatre pieds, à 1,50 m environ du sol
- castanhador ou bertol : panier rond en éclisses de châtaignier et osier pour ramasser les châtaignes
- coffin, codial : housse suspendue à sa ceinture contenant la pierre à aiguiser
- cruvel : crible à châtaignons constitué d'une trame d'éclisses de châtaignier tressées
- descas : corbeilles de collecte des seaux de vendange, portées sur l'échine au moyen du cabussau
- escossos : fléaux, écousseurs utilisés sur l’aire à battre
- grata : réalisé à partir d'une branche de châtaignier pourvue d'une fourche à trois départs, il servait à déplacer les feuilles et à ouvrir les bogues
- masseta : fourche à deux branches d'un côté, maillet de l'autre pour la récolte des châtaignes
- pêira d'asuga : pierre à aiguiser pour redonner du fil à la lame
- pisaïre : machine à dépiquer, horizontale (grands cylindres de tôle traversés par un axe muni de pointes) ou verticale (cuve circulaire, de bois ou de fer dans lequel tourne un râteau à grandes dents fixé perpendiculairement à un axe vertical)
- pisador : sac en toile de lin assez long tenu à deux personnes avec lequel on battait les châtaignes sur un billot
- rastelet : petit râteau à châtaignes
- saqueta, sac de toile suspendu à la taille au moyen de cordons employé pour certaines cueillettes des châtaignes, des haricots
- solas : chaussures spéciales à semelles de bois munies de grosses pointes barbelées pour dépiquer les châtaignes dans une auge
- taiha-prat : pioche spécifique pour creuser les rigoles d’irrigation dans les prés
- terrairaus ou tarrairaus : corbeilles de vannerie en éclisses de châtaignier pour transport de la terre et des pierres
- ventairé, vramaille : tarare (après le van au 19ème)
- ventadoira : pelle à vanner pour séparer le grain des déchêts
- panieraus ou faissilhaus : corbeilles de vannerie en éclisses de châtaignier pour le transport du fumier
- claie : barrière amovible des parcs d’estives.
- serre tunnel n. f. : nouveau concept de bergerie formée d’une armature en tube d’acier galvanisé couverte de deux bâches en matière plastique avec une couche de matériaux isolants intermédiaire de 8x9m sur jusqu’à 30m (Verdier p 120).
Glossaire librement adapté de celui du musée des vallées cévenoles (Maison rouge)